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Le PS se prononce sur la 2e version du projet de loi HADOPI

9 Juillet 2009 , Rédigé par ps section Champigny sur Marne Publié dans #Culture

En vue de l'information de la population campinoise, le Parti Socialiste de Champigny-sur-Marne a le plaisir de mettre en ligne le discours du sénateur socialiste val-de-marnais Serge Lagauche au sujet de la 2e version du Projet de Loi HADOPI.

Ce projet de loi pose divers problèmes juridiques, techniques, économiques et sociétaux.

Juridiques seraient les problèmes potentiellement posés par des sanctions immédiates prononcées par des autorités administratives à l'encontre de citoyens adeptes du téléchargement.


Techniques seraient les problématiques de preuves informatiques (infaillibilité de l'adresse IP) cherchées à l'encontre des téléchargeurs.

Economiques seraient les thématiques de droits de la création artistique et de rentabilité de la propriété culturelle. Sociétales sont les menaces d'atteintes aux libertés inhérentes au Projet de Loi HADOPI.

Bonne lecture !


Philippe FRANK
Secrétaire de Section
philippe.frank@gmail.com

_________________________________________________________________________

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le Ministre,

Mes Chers Collègues,

 

Le 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel censurait, aux articles 5 et 11 de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, toutes les dispositions relatives au pouvoir de sanction de la commission de protection des droits de la HADOPI.


La loi « Création et Internet », promulguée le 12 juin 2009, a donc été amputée de son volet répressif

 

Tel qu’il avait été imaginé par M. OLIVENNES et les 46 signataires des accords de l’Elysée signés le 23 novembre 2007, le dispositif de la riposte graduée s’appuyait sur l’effet dissuasif que devait produire auprès des titulaires de l’abonnement à Internet la possible coupure temporaire de l’accès aux services de communication en ligne.


L’efficacité des messages d’avertissement préalables reposait donc sur l’effectivité de la suspension temporaire de l’abonnement à Internet pouvant être prononcée par la HADOPI. 

 

La censure du Conseil constitutionnel et la décapitation de la riposte graduée vous ouvrait deux issues possibles.


Soit le Gouvernement décidait de prendre le temps de la réflexion et de la concertation en lançant un grand débat national pour dégager les pistes d’un nouveau modèle économique pour la diffusion culturelle via Internet, soit vous suiviez à la lettre les recommandations du Conseil constitutionnel en confiant à l’autorité judiciaire les pouvoirs de sanction.


Lors de son discours à Versailles, M. le Président de la République a décidé d’ « aller jusqu’au bout », selon son expression. C’est donc cette dernière solution qui a été choisie et qui nous semble être plutôt du ressort de la Commission des Lois, ce qui ne nous empêche pas de rappeler notre avis sur l’ensemble du texte.

 

Des habitudes très néfastes pour la création ont été prises depuis une dizaine d’année et les jeunes internautes, principalement, n’ont plus l’impression de porter atteinte aux auteurs en piratant des fichiers numériques. Les industries culturelles ont mis un temps coupable à mettre en place des offres légales attractives. Elles sont aujourd’hui plongées dans un marasme économique dangereux pour l’avenir de la création française.


C’est pourquoi la perspective d’un grand débat national sur ces questions pourrait être l’occasion de sensibiliser et de responsabiliser les internautes, en particulier les plus jeunes.

Il y a là une possibilité d’action pédagogique à grande échelle en rapprochant les internautes des auteurs et des créateurs. 

 

Pour satisfaire aux exigences du Conseil constitutionnel, le projet de loi pénalise la procédure de suspension d’abonnement à Internet et substitue le pouvoir judiciaire à la HADOPI pour prononcer cette sanction.


Celle-ci devient complémentaire à celle de prison et d’amende pour le délit de contrefaçon prévu par le code de la propriété intellectuelle. On se retrouve avec ce texte dans une situation de quasi statu quo s’agissant du traitement pénal de la sanction encourue pour le téléchargement, l’édition ou la mise à disposition illégale d’œuvres protégées par le droit d’auteur. C’est le retour du délit de contrefaçon. Les deux seules innovations résident d’une part dans la possibilité pour le juge judiciaire d’accompagner sa sanction d’une éventuelle suspension de l’abonnement à Internet, et, d’autre part, dans la mise en place de la procédure simplifiée du juge unique et de l’ordonnance pénale pour traiter plus rapidement ces contentieux.

 

Il semblerait toutefois que le choix de la procédure simplifiée du juge unique et de l’ordonnance pénale fasse peut-être l’objet de controverses quant à la constitutionnalité du dispositif.

 

La procédure que vous avez choisie pourrait peut-être porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.


Par ailleurs, les peines mille-feuille (amende de 300 000 euros, peine  de 3 ans de prison et la suspension de l’abonnement à Internet) pourraient ne pas être proportionnées.


L’article 3 réécrit intégralement par notre rapporteur M. THIOLLIERE en raison de son imprécision, stipule que le pouvoir règlementaire peut prévoir une contravention de 1500 euros majorée d’une suspension de l’accès à Internet pendant un mois.


Cette contravention serait fondée sur la négligence du titulaire de l’abonnement à Internet, titulaire qui, par son défaut de surveillance, aurait laissé un tiers télécharger ou mettre à disposition de manière illicite des œuvres protégées par le droit d’auteur. Ce dispositif pourrait constituer une présomption de culpabilité.

 

Au-delà des risques, ne perdons pas de vue l’objectif de ce texte, que nous partageons d’ailleurs.


Il faut donner de la cohérence à l’ensemble du dispositif de la riposte graduée pour protéger les auteurs du piratage de leurs oeuvres. Les messages d’avertissement adressés par la HADOPI ne seront efficaces et dissuasifs que si la phase judiciaire est effective et réelle.


Le risque est grand que la HADOPI se transforme en machine à envoyer des courriels dont peu d’internautes tiendront compte.


Or, les juridictions risquent d’être encombrées et les délais de traitement des dossiers, faute de moyens suffisants, pourraient s’avérer très longs.


Si ce scénario devait se réaliser, le bouche à oreille serait immédiat et la HADOPI aura vécu. Ses messages d’avertissement seront traités par l’indifférence de leurs destinataires et rien n’aura avancé. Les créateurs seront toujours en danger et le petit piratage de masse continuera sa progression, d’où la nécessité qu’il y ait suffisamment de moyens humains, ce qui est loin d’être évident face à la RGPP (Révision Générale des politiques Publiques).

 

Nous sommes d’autant plus inquiet que l’offre légale est très loin d’être arrivée à maturité, d’autant que les efforts des professionnels restent lents et insuffisants.


Le prix des titres musicaux à l’unité qu’il est possible de télécharger légalement sur son baladeur numérique, son ordinateur ou son téléphone mobile est encore beaucoup trop élevé.

Un euro par titre quand les éditeurs font des économies considérables, en comparaison de ce que coûte l’édition physique de musique, est beaucoup trop onéreux.  Certes des efforts ont été faits pour supprimer les fameux DRM, mais que ce fut long et difficile ! Que de temps perdu devant le Parlement pour voter la loi DADVSI du 1er août 2006 donnant une base légale aux DRM et finalement obsolète avant même d’avoir été votée…


La vente de musique numérique représentait un chiffre d’affaire de 50.8 millions d’euros en 2008, soit une augmentation de 16.6 % par rapport à l’année précédente. Elle reste cependant marginale au regard du chiffre d’affaire global de l’industrie phonographique qui s’élève à 713 millions d’euros.


L’offre légale de cinéma en ligne connaît une progression comparable  et le marché de la vidéo à la demande est en forte croissance avec des catalogues de plus en plus étoffés.

Mais, si 67 % des Internautes déclarent connaître ce service, ils ne sont que 9 % à y recourir.

 

Nous partageons tout à fait l’état d’esprit de la Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques (SACD) qui regrette que les termes de l’accord interprofessionnel sur le réaménagement de la chronologie des médias signé le 6 juillet dernier ne permettent pas suffisamment aux offres légales de constituer des alternatives crédibles aux téléchargements illicites. Il aurait fallu s’inspirer de la philosophie de l’accord signé le 15 septembre 2008 entre le site de partage de vidéos Dailymotion et trois sociétés d’auteurs (la SACD, la SCAM et l’ADAGP).

 

Que ce soit pour le cinéma ou la musique, l’offre légale numérique n’a donc pas encore rencontré la demande.


C’est fondamental. Nous pensons que l’immobilisme des industries culturelles est le principal facteur du développement du piratage qui ne sera réellement devenu obsolète et inutile que lorsque les offres légales seront suffisamment attractives. Comme je vous l’indiquais à titre liminaire, il aurait fallu faire une pause, lancer un débat national sur ces questions, sensibiliser les internautes et les industriels aux difficultés rencontrés par les uns et les autres avec, en toile de fond, la défense des auteurs et de la création.

 

D’où notre scepticisme sur l’efficacité de ce texte pour protéger la création et nos auteurs.

 

Nous avions accepté de voter le projet de loi « Création et Internet » en urgence lorsqu’il nous avait été présenté en 1ère lecture le 30 octobre 2008. Nous pensions alors qu’il était de notre responsabilité de manifester notre soutien aux auteurs, aux créateurs, aux artistes, aux industries culturelles de toutes natures, les grandes et celles qui évoluent de manière plus indépendantes.


Placés sous la contrainte de l’urgence, nous avions, le 9 avril 2009, lors de l’examen par le Sénat des conclusions de la commission mixte paritaire, dénoncé l’improvisation et les lacunes du texte de Mme ALBANEL pour favoriser l’émergence d’une offre légale attractive. Nous nous étions alors abstenus en témoignage de notre soutien indéfectible aux auteurs.


Avant-dernier rebondissement de cette histoire parlementaire peu commune, le rejet par l’Assemblée Nationale des conclusions de la commission mixte paritaire nous avait conduits le 13 mai 2009 à une nouvelle lecture sur laquelle nous avions déjà tout dit. Nous avions alors refusé de jouer le second rôle de supplétif d’une majorité parlementaire défaillante et avions refusé de participer au vote.

 

Le texte que vous nous présentez ici pour pallier les vides juridiques résultant de la censure du Conseil constitutionnel montre la difficulté pour mettre en oeuvre les Accords de l’Elysée.

Presque trois années aurons été nécessaires depuis le vote de la loi DADVSI du 1er août 2006 pour mettre en place une procédure simplifiée dont la constitutionnalité est sujette à réserve.


Le piratage, lui, n’a pas attendu que le gouvernement veuille bien cesser son amateurisme, et ce alors même que la défense du droit des auteurs à vivre de leurs œuvres était annoncé comme une priorité par le Chef de l’Etat.


Aucune réflexion alternative n’a été développée ni même initiée par les pouvoirs publics afin de rechercher des solutions innovantes pour adapter l’économie de la diffusion culturelle sur Internet

 

Le Groupe socialiste du Sénat espère bien entendu que la conjugaison de la phase d’avertissement et de la phase judiciaire permettra d’améliorer la lutte contre le piratage.


Cependant nous redoutons que l’efficacité espérée de ce dispositif pour réduire le piratage des œuvres ne soi pas suffisante pour faire basculer les internautes vers les offres légales. Des efforts restent encore à faire pour améliorer l’attractivité de ces offres.


C’est pourquoi nous considérons qu’il faut repenser l’économie de la diffusion culturelle sur Internet afin de dégager de nouvelles sources de revenus pour les auteurs, sans pour autant travestir le principe du droit d’auteur.

 

Il faut rechercher avec les auteurs et les internautes un système de régulation et de soutien à l’ensemble de la création sur Internet permettant le respect du droit d’auteur, tout en favorisant la diffusion culturelle pour le plus grand nombre.

 

Monsieur le Ministre, vous nous avez annoncé en Commission comme devant nos collègues de l’Assemblée Nationale mercredi 1er juillet dernier, une concertation future pour débattre de la rémunération des créateurs par le biais des réseaux numériques. Vous connaissez la difficulté de la tache et nous ne pouvons que vous soutenir dans votre volonté de dialogue. Il faudra pour cela beaucoup de temps et d’opiniâtreté, nous savons que vous en avez.


Cette consultation devra être l’occasion de rappeler à nos concitoyens que la gratuité n’existe pas.


Quel que soit le support de diffusion


Les catalogues de musique mis en ligne sur les plateformes légales d’écoute comme Deezer proposent effectivement aux internautes un accès qui peut sembler gratuit.


Or, ces sites sont financés par les recettes publicitaires versées par les annonceurs qui répercutent bien entendu l’achat des espaces publicitaires sur le prix des services ou des produits qu’ils proposent au consommateur. Il en est de même pour la presse dite gratuite.

La gratuité est non seulement un leurre, mais elle recèle deux risques majeurs.


Elle formate les supports d’information et de lecture en réduisant les informations à leur plus simple expression, c’est le cas des journaux gratuits avec tout le risque de collusion qu’il peut exister entre les intérêts des annonceurs et la nature des informations ou des œuvres qui y sont proposées.


La gratuité d’accès repose en outre sur un modèle économique peu fiable car exclusivement lié au montant des recettes publicitaires. La crise économique majeure que nous traversons n’est pas sans conséquence pour les supports s’appuyant sur ce modèle de pseudo gratuité.


La chute des investissements publicitaires est vertigineuse et nombre de journaux gratuits sont contraints à des plans de licenciements drastiques.


Il faudra donc marteler lors de cette concertation que, contrairement aux idées reçues, la culture n’est pas seulement une activité artistique faite d’altruisme et de don de soi. Elle est aussi une industrie qui nécessite de puissantes capacités d’investissement.


Le cinéma français a réussi à maintenir sa vitalité grâce à son formidable système de mutualisation des recettes générées par les films tout le long des différentes fenêtres d’exploitation de la chronologie des médias.

 

La littérature française et le secteur de l’édition ont maintenu leur diversité grâce au prix unique du livre, mais la mise en place du livre numérique, difficile en France, traverse une période dangereuse en raison des obstacles à la mise en œuvre d’une plateforme commune. Le secteur de l’édition phonographique ne connaît pas de tels systèmes de régulation. Il y a sans doute là une réflexion à mener.


L’enjeu est majeur, c’est ni plus ni moins celui du maintien de la diversité et de l’exception culturelles françaises.

 

Pour l’heure, nous sommes sceptiques sur l’efficacité du dispositif que vous nous proposez.

Depuis la signature des Accords de l’Elysée le 23 novembre 2007, la démarche gouvernementale n’a vraiment pas été très pertinente.


Pour votre arrivée, nous ne pouvons que vous souhaiter de parvenir à réunir votre majorité à l’Assemblée Nationale afin qu’elle soutienne votre texte.


Pour notre part, nous souhaitons que ce dispositif diminue notoirement le piratage et que cela permette de prendre le temps de trouver de nouvelles sources de financement de la création dans le cadre de la diffusion des œuvres sur Internet.


Après les achoppements successifs de la loi DADVSI et de la loi « Création et Internet », nous laissons au Gouvernement et à sa majorité la responsabilité de ce troisième dispositif.

 

 

Trois ans après la loi DADVSI, un an après la présentation en Conseil des Ministres du projet de loi « Création et Internet », les parcours législatifs chaotiques de ces deux lois, toutes deux examinées en urgence et toutes deux sanctionnées par le Conseil constitutionnel, auraient du vous enseigner la prudence.


Dans un domaine aussi sensible, complexe et fondamental pour l’avenir de la création artistique, l’urgence n’est un gage ni de rapidité ni d’efficacité.

 

Monsieur le Ministre, aujourd’hui c’est vous qui avez accepté une lourde responsabilité, celle de défendre la vie culturelle de notre pays quelle que soit l’évolution des technologies. Vous dites en avoir le courage, nous souhaitons que vous en ayez aussi les moyens.


Compte tenu de ce qui a précédé votre venue, nous ne pouvons approuver ce texte mais nous resterons vigilants sur l’évolution de la situation.


 

 

 


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